À peine le projet Ronin avait-il pointé le bout de ses pixels sur le net qu'il s'était ramassé une volée de bois vert de la part d'internautes indignés, le comparant d'emblée à une vulgaire copie carbone de Mark of the Ninja. Mais c'est bien connu : les assassins de l'ombre ont souvent plus d'un tour dans leur sac !
La maison Devolver n'en est pas à son coup d'essai dans la gestation de petits jeux sanglants fort réussis (Hotline Miami ou Broforce, c'est chez eux). Cette fois-ci, c'est avec un certain Tomasz Wacławek qu'ils ont bossé pour la création de ce nouveau titre mêlant infiltration, exécutions rapides et sauts périlleux en tout genre, dans un style graphique épuré et aux accents légèrement rétros. Pour vous planter le décor, Ronin nous place aux commandes d'une guerrière chevronnée et passablement énervée qui semble tout droit sortie d'un Kill Bill 4. Fermement décidée à rayer au Katana quelques noms sur les fichiers de l'état civil local, il faudra diriger notre héroïne à travers une quinzaine de niveaux bourrés de gardes, de portes verrouillées et d'ordinateurs à pirater avant de pouvoir découper nos cibles bien tranquillement.
Mamba number 5
La prise en main de notre Black Mamba est relativement aisée et intuitive : on peut se déplacer en courant ou en effectuant des bonds plus ou moins grands, tout en visant son point d'arrivée à l'aide d'une courbe qui nous indique la trajectoire estimée. Dès qu'on arrive dans une zone peuplée de gardes du corps, on peut rentrer dans le tas ou bien la jouer fine et passer inaperçu en s'accrochant aux plafonds, hacker un ordi et repartir illico presto pendant qu'un ennemi est occupé à regarder passionnément un mur.
Faire face
Mais dans Ronin, les affrontements seront de toute façon inévitables et ce n'est pas plus mal, puisque les combats sont particulièrement intéressants. La bonne idée du titre, c'est qu'une fois notre ninja repérée, l'action se fige et le jeu passe au "tour par tour". Les gardes dégainent leurs armes et le joueur se retrouve sous le feu des projecteurs et des visées laser. À ce moment-là, il faut analyser la scène pour tenter d'esquiver les balles en enchainant les bonds sur les ennemis, tout en leur assénant des coups de Katana vengeurs. Petit détail qui a son importance : il faudra toujours prendre soin d'éviter la moindre balle, synonyme de mort immédiate. Ça donne des affrontements plutôt tactiques et toujours dynamiques, ce qui ajoute une bonne profondeur au titre de Tomasz Wacławek. Au fur et à mesure de notre avancée, notre personnage aura également accès à un arbre de compétences ainsi qu'à différents gadgets, allant des projections holographiques destinées à leurrer les gardes jusqu'aux shurikens à livrer en une demi-seconde ouvrée.
Ronin tendo
Chose regrettable au coeur des combats, on manque cruellement d'informations claires et fiables sur les trajectoires envisagées, qui détermineront pourtant l'issue des combats. Situation typique : après avoir effectué un saut particulièrement périlleux pour s'extirper d'une position délicate, on ne se retrouve pas toujours là où l'avait escompté, la faute à une courbe souvent défaillante. Résultat, on meurt assez injustement et on peste contre le manque de lisibilité de ce genre de situations. De fait, les combats un tantinet complexes se résument par moments à une succession de tentatives hasardeuses et d'essais répétés un peu au pif... Forcément, ce sentiment de jouer un peu à la loterie (ou plutôt à la roulette Russe) est parfois agaçant.
Sur place ou à emporter ?
Mais arrêtons de nous lamenter et profitons du rendu sympathique et de l'ambiance du titre, sombre et prenante, notamment grâce à un habile mélange entre enrobage visuel rétro et environnement sonore discret, mais bien dans le ton. En dépit des décors souvent victime de "redite aigüe" et de situations qui ont tendance à bégayer, le titre édité par Devolver a ce petit quelque chose qui vous donne envie d'avancer dans les niveaux, de voir si vous allez réussir à atteindre les cibles suivantes dans cet univers à la fois pauvre visuellement, mais terriblement intriguant. Alors évidemment, Ronin n'est pas le genre de titre qui va pousser votre nouvelle bécane dans ses derniers retranchements et vous vous en doutez, même un petit ordi portable fera largement l'affaire (ce qui est finalement une chouette nouvelle juste avant de partir en vacances). En somme, sans être parfait ni exceptionnellement marquant, Ronin est plutôt une belle réussite, à classer parmi les bons petits jeux d'action-infiltration de la scène indépendante.